Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ON N'EN PARLE JAMAIS!
ON N'EN PARLE JAMAIS!
Archives
12 mai 2011

11. Noyautage de câble et cachotteries nippones

(Résumé de l’épisode précédent : Dagmar surprend Nils et Léa en corps à corps rapproché. Elle réprime sa furie. Une seule chose compte : sauver sa peau. La fuite en avant pour nos trois héros, le tunnel des Communards revisité en gage de salut).

 

 grotte1

Certains instants s’épaississent indéfiniment, on est alors renvoyés à des années-lumière, dans le centre de notre galaxie, tandis que les flics en tenue futuriste et armés jusqu’aux dents investissaient déjà le cimetière du Père-Lachaise, pistant les nouveaux Communards terroristes (ce que Lebourrin leur avait raconté) jusque dans leurs retranchements. Ils avaient l’autorisation de tirer à vue. Mais le temps s’épaississait en volutes sémiologiques qui finissaient par le rendre incompréhensible. Puis quelque chose, comme du sable ou de la terre, tomba du sombre plafond du tunnel. Peut-être des toiles d’araignées, dans ce lieu abandonné des hommes depuis un siècle et demi. Le géant Nils démêla celles qui couronnaient son crâne, tout en se penchant sur sa belle évanescente. Comme par fait exprès, Dagmar leur chuchota sur un ton pressant que des bruits de pas semblaient se rapprocher à l’extérieur. Ils devaient reprendre leur marche, trouver une issue. En cet instant, Léa revint à elle. Tandis que Nils l’aidait à se rétablir, Dagmar terrorisée fit irruption.  

-   J’ai entendu une rafale. Ils tirent à balles réelles. Jamais je n’aurais cru ça possible au troisième millénaire en Europe.

-   Rappelle-toi ces mômes qu’on avait accusés de faire dérailler un TGV. Embarqués sur la seule preuve de leurs lectures anarchistes. Deux ans d’isolement total.

-   Allez, les filles, c’est pas le moment de papoter ! On se sait tous à la portée d’une accusation de terrorisme, avec toutes les implications en cadeau Bonux. Les lois antiterroristes ne sont pas faites pour les délinquants mais pour restreindre les libertés des populations, c’est le B.A.BA de l’activisme. En route, plus de temps à perdre !

 

Un petit silex se détacha du plafond et tomba sur un rocher au sol, provoquant une brève étincelle. Nils alluma sa lampe-torche et balaya le tunnel de son faisceau. Tout semblait si calme.

 

Dans les allées du cimetière du Père Lachaise, précédé par les unités d’élite CRS, le commissaire Lebourrin respirait à pleins poumons l’odeur de la poudre, tout en prenant l’exacte mesure de la montée d’adrénaline en un apocalyptique feu d’artifice de milliers de neurones. Sherlock Holmes ne s’était pas trompé. Mais l’unité d’élite n’avait pour le moment que dégommé un chat. Piètre tableau de chasse, mais ainsi les rats terroristes étaient avertis. Le cimetière était cerné, ils n’avaient aucune échappatoire. Lebourrin jubilait et commença donc à tenter de repérer un petit tombeau tranquille où consommer un mérité hommage à Sherlock. Il envoya son assistant prendre des nouvelles de ses limiers. Malheureusement, celui-ci revint très excité avant que Lebourrin n’ait pu sortir son sachet de plastique de sa cachette dans la doublure de son slip kangourou.

-   Venez vite. Nos gars ont trouvé un truc étrange, une espèce de caverne protégée par des tôles ! 

-   Sécurisez le périmètre, brama Lebourrin tout en reboutonnant à la hâte son pantalon.

 

Déjà l’unité d’élite s’acharnait sur les tôles à l’entrée de ce qu’ils pensaient être une caverne, une ferme de champignons de Paris et peut-être même un trou à rats. Les autres flics fracassaient à grands coups de pompes les portes des tombeaux puis Lebourrin décida de concentrer ses troupes à l’entrée de la mystérieuse caverne. Léa, Nils et Dagmar couraient hors d’haleine dans le tunnel qui sentait le moisi, comme s’ils s’enfonçaient dans les entrailles répugnantes de Paris, tandis que des coups de plus en plus violents à l’entrée se répercutaient en échos déformés et effrayants. Quelque chose sembla céder, enfin. Ils entendirent les râles de victoire des flics, une rafale de mitraillette… Le tunnel s’allongeait indéfiniment devant eux, sombre et insensé, sans la moindre bifurcation : on aurait dit une Near Death Expérience. Peut-être valait-il mieux, dans ces conditions, s’arrêter et offrir, en un acte de folie consumée, un torse de lumière aux cornes de la Bête afin d’éviter que l’aigu de celles-ci n’éventre leurs fémorales. Léa, Nils et Dagmar ralentirent leurs pas sans s’être concertés. Ils avaient eu la même intuition au même instant. Parfois, dans la vie, il faut avoir le courage de faire exactement le contraire de ce que l’on pense qu’il faut faire. Les flics voulaient leur peau. Ils allaient leur montrer de quelle eau ils étaient faits. Et puis c’était trop dégueulasse de mourir d’une balle dans le dos, et c’était aussi offrir à la presse conventionnelle l’alibi de leur venin. Ils firent face à la Chose qui venait, précédée par le crépitement absurde de leurs armes.

 

Une apocalypse de terre, d’os humains et autres détritus, envahit brusquement le tunnel historique, dont les solives porteuses se rompirent violemment entre les activistes en fuite et les flics en aval, qui furent massacrés par la boue. Tout bougeait et se déplaçait avec une force gigantesque, anéantissant à l’avance tout effort humain. Nils hurla cependant un ordre dérisoire : « Nagez ! » qui se perdit dans l’épouvantable vacarme du cataclysme.

 

Ensuite, un silence inhumain retomba, qui s’installa pour plusieurs siècles, voire éternités. Niels cracha de la terre et du sable. L’obscurité était si profonde que l’on y perdait les sens. Mais une lueur rougeoyante sourdait sous la boue. Niels dégagea son bras qui se cramponnait encore à sa lampe de poche. Le retour de la lumière l’apaisa, en dépit de la dimension du désastre. À la limite du halo, il eut l’intuition d’une silhouette menue qui vaguait. « Hel ! »jura-t-il dans sa langue natale. Il tenta de dégager son autre bras, encore lourd du poids de son ak45 mais la boue l’emprisonnait. La délicate silhouette terreuse se pencha alors sur lui :

-   Comment t’appelles-tu ?

 

Nils se tut, sidéré. Il avait reconnu Dagmar. En pleine lumière, elle ne clignait pas des yeux. Elle avait le regard fixe de cette femme, dans le film « Sailor et Lula », de David Lynch, laquelle, après un terrifiant accident de voiture, recherche obsessivement son sac à main. Puis elle s’éloigna tout d’un coup, comme si elle fuyait l’éclat de la lanterne de Nils.

-   Je dois trouver un câble.

-   Dagmar, attends !

-   Que veux-tu ?

-   Souviens-toi que tu n’es pas Mógdud[1]. Tu as repéré Léa ?.

-   Léaaaaaah, hurla Dagmar en guise de réponse.

 

Ils la retrouvèrent dans un cercueil de bois à moitié enfoncé dans la terre. Dagmar fut la plus rapide, elle constata avec soulagement que sa douce respirait encore, quoique faiblement. Niels l’écarta résolument, elle trépigna un instant sur place. Le norvégien sortit une minuscule trousse de survie de l’une de ses multiples poches.

-   Et un petit cocktail d’adrénaline pour madame, un, chantonna-t-il en injectant le produit dans les veines de Léa

-   Tu ne t’imagines même pas toute la merde chimique que tu lui sers

-   Ecoute-moi bien ma puce, j’aime pas répéter. Je suis urgentiste dans le cadre de la protection de la société civile, alors tes petits conseils zen de midinette en ébullition, tu peux te les carrer exactement où tu penses. Vas chier ailleurs et voir si j’y suis.

Prudemment, Dagmar choisit de battre en retraite. Elle dépiauta distraitement un gros tuyau orange qui tordait le cou vers eux avant de replonger dans la terre, jusqu’à ce qu’elle réalise ce qu’elle était en train de faire. Elle tripota à l’intérieur du tuyau et trouva ce qu’elle cherchait : le câble. Avec un peu de chance..

-   Nils, espèce de ruck, est-ce que t’aurais un bout de câble coaxial et un filtre DSL ?

-   Bien sûr ma poule, deux secondes je finis la perfusion pour la Belle au Bois Dormant…

 

Il manquait bien entendu le gaffeur et le fil téléphonique, deux éléments que Dagmar, en bonne hackeuse professionnelle, trimballait toujours sur elle. En un rien de temps, elle bricola une dérivation, qu’elle brancha sur son téléphone mobile. Dagmar eut un petit cri de triomphe quand le navigateur Safari s’ouvrit. Elle était sur Internet.

-   Qu’est-ce que tu magouilles, pétasse allemande ? Je ne t’ai pas expliqué qu’on était tous repérés au niveau de l’adresse IP ? Arrête ça immédiatement !

-   Fous-moi la paix vieux con, et crois-moi, pour le moment, nos copains ont autre chose à faire que s’occuper de nous. De surcroît j’ai plusieurs adresses IP dynamiques et belges, inviolables. Il y a eu un tremblement de terre majeur en Méditerranée, force 7, la plaque européenne a grimpé de 15m sur l’Africaine. Il y a eu des répliques qui se sont propagées au travers des failles sismiques dans toute la France…

-   Pardon ? Je croyais que la France était l’un des rares pays au monde à ne pas présenter de risques sismiques.

-   C’est la propagande de gouvernements obsédés par le nucléaire et ses fabuleux revenus. La réalité est que les risques sismiques ont été largement sous-évalués. On en a la preuve aujourd’hui. Mais attends. Ya un truc très bizarre. Les Français avouent que la terre a tremblé au Bugey, force 6,7, plus fort qu’en 1930. Il va falloir évacuer Lyon et peut-être même Genève.

-   Ça veut dire que la situation doit être mochement alarmante à la centrale atomique du Bugey.

-   Tu m’étonnes ! La moins entretenue de France, celle où la maintenance est systématiquement confiée à des sous-traitants… Mais tu sais bien que c’est pas normal que les Français soient si transparents au niveau nucléaire… J’ai comme la sensation qu’on a du rater quelque chose au niveau actualité…    



[1] Déesse des enfers germanique dans la mythologie norvégienne.

Publicité
Publicité
Commentaires
ON N'EN PARLE JAMAIS!
  • C'est le grand retour du feuilleton! Sur des sujets brûlants dont normalement, ON N'EN PARLE JAMAIS. Mais justement, on ne va plus parler que de ÇA. Nos deux auteurs, Fred Romano et Franck dit Bart attendent vos commentaires
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité