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ON N'EN PARLE JAMAIS!
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15 juillet 2011

20. Affreux sales et méchants portent tous le même costard!

 

 

Résumé du précédent épisode : les activistes sont accueillis chaleureusement à Can Mas Deu, fraternelle utopie en actes à Barcelone. Les débats à propos du nucléaire et du solaire vont bon train. Un drôle de zigoto propose une interview à Léa sans que l’assentiment de tous les autres ne soit à son comble.

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La voiture suédoise se posta aux abords des Ramblas où les shorts et les tongs côtoyaient la fine fleur des pigeonneurs. Le souffle chaud relevait les dreadlocks de l’homme en costar. Elles paraissaient si légères, contenu du contraste vestimentaire qu’il portait comme un soutien actif à son maintien. Mais à Barcelone, plus que partout ailleurs dans les autres grandes métropoles européennes, on se la jouait dégagée. Dans une ruelle une enseigne vous tapait dans l’œil : bar Marsella.

-         Ah oui, c’est pas du côté de Raval, un quartier vachtement sympa et vivant avec plein de frangines très ouvertes ?

-                     Tu parles Dagmar, des frangines avec des poils aux seins ! Même qu’il y en avait une bien allumée qui m’a juré qu’elle avait rencontré la vierge sur Montjuich[1]. 

-                      On t’écoute Léa. Raconte ta discussion avec le cador.

-                     On s’est installés à une table et tout de go, ce goujat a annoncé qu’il voulait parler affaire. Je me sentais toute petite en ce haut lieu convivial qui n’usurpait pas sa réputation. Alfred Jarry et même Verlaine y avaient déjà posé leurs nobles fessiers et refait le monde à leur image. Les miroirs mats de poussière ainsi que les étagères recelant des bouteilles invitaient à la détente et aux confidences. A peine étions nous entrés et installés, que la barmaid à crête d’iroquois avait déjà déposé le verre d’absinthe à notre intention.

- C’est la boisson qui fait fureur ici.

Léa s’apprêtait déjà à porter à ses lèvres l’élixir….

-                     Vous n’y êtes pas du tout ma chère ! C’est tout un cérémonial qui va s’accorder parfaitement à notre conversation. La technique consiste à tremper le morceau de sucre dans le liquide avec votre cuillère puis le sortir en le laissant fondre au-dessus de l’alcool, un petit peu dans le pur style des junkies avec un briquet afin de le caraméliser. Plongez le sucre dans le verre qui s’épongera et régalez-vous. A vous de goûter.

-                     Hum ça a comme un goût d’anis.

-                     Je sais tout de vos agissements et où vous vous cachez. Quel que soit votre planque je vous retrouverai. Vous avez emprunté une somme qu’on veut récupérer avec intérêts.

Léa s’était levée brusquement ouvrant sa musette et extirpant son Luger cadeau de Dagmar. L’homme fut plus prompt à la réplique, qu’elle ne l’avait calculé. Il avait bloqué son coude et récupéré son arme, puis lui avait gentiment rendu avec un sourire complice.

-                     Laissez tomber votre antiquité, je vous croyais plus raffinée. Vous me décevez. C’est aussi ce que je pensais en étudiant votre dossier. Vous êtes des activistes amateurs. De grands penseurs aux idées creuses et totalement inoffensifs, sauf en ce qui concerne votre don de subtilisation des grosses sommes par le biais du virtuel. Là je crie au génie. Vous me rappelez un peu le héros du film Cavale[2], un terroriste qui s’évade de taule au bout de 15 années et se retrouve tout seul avec la réalité et ses idées d’antan de la révolution qui l’ont dépassé d’un cran. Les temps ont changé et surtout de nos jours. Dans les années 70 et 80, les terroristes du groupe Baader / Meinhof, les Brigades Rouges ou en France les militants d’Action Directe étaient pourchassés pour leurs actes politiques délictueux. L’Allemagne a libéré tous les militants impliqués dans ces mouvances. En France, ceux qui ne sont pas crevés de la peine de mort à perpétuité sont tous bousillés et on recule encore leur âge à prendre la retraite en liberté. Aujourd’hui, pour un pet de travers l’Etat envoie son escadron de la mort pour circonscrire l’affreux pétomane. Seule l’affaire de Tarnac a éclaboussé en plein jour. C’est l’arbre qui cache la forêt. Déjà en mai 2007, après la découverte d’un sac en plastique contenant des bouteilles de liquide incendiaire sous une dépanneuse de police garée rue Clignancourt à Paris, ce fut l’émeute paranoïaque dans les couloirs du ministère de l’Intérieur. La chasse à l’ADN était ouverte. La mouvance anarchiste et autonome était dans le collimateur. Le ministre Toutfeutouflamme brandit la menace terroriste. Et les bavures débordèrent en plein jour. Pour une infime bombe lacrymogène dans un sac, lors d’une banale manif, vous en preniez pour sept heures de garde à vue. Sous prétexte d’une consigne très stricte de la préfecture qui invitait à interpeller les individus « dont l’apparence et le comportement laissent supposer l’appartenance à un groupe à risque de la mouvance anarchiste ». La section antiterroriste du parquet avait les coudées franches pour mettre à l’ombre les individus louches selon les soupçons d’un nouveau délit de sale gueule. La Mauvaise réputation revue et actualisée par un Brassens et direct, on l’aurait mis au niouf, le poète révolté. En 2009, dans la nuit du 4 décembre, des gus s’attaquèrent à des distributeurs automatiques de billets avec des marteaux, de l’acide et de la colle afin de les rendre inopérants. Une soixantaine dans l’est parisien furent touchés par leur sauvagerie.

L’homme ouvrit le nœud de sa cravate et s’épongea le front avant de reprendre. Léa considérait le lustre antique.

-                     Je reprendrai bien un second verre de cet excellent breuvage qui m’ouvre de nouveaux horizons…

-                     Non. Je veux que vous gardiez les idées claires à tous mes propos. On vous sait parfaitement innocente de la bombe qui a explosé dans le local de votre webzine. Mais dans le contexte où il faut trouver un nouvel ennemi intérieur pour maintenir dans la peur la populace avant les prochaines élections de 2012. Vous représentez le monstre personnifié à abattre.

Léa haussa les épaules et commença à se lever.

L’homme la perruque de travers qui suait à gros bouillons lui tordit le poignet dans un subtil effort pour garder son sang-froid qu’il avait très chaud en fin de compte.

-                     Je peux vous aider. Il y a un moyen de jeter l’éponge sur votre emprunt substantiel involontaire, (hum hum raclement de gorge) en échange d’une simple enquête. Nous vous garantirons les défraiements en toute quiétude ainsi que le matériel nécessaire à vos investigations et nous pourrons même vous dénicher un grand quotidien français pour vous exprimer. Qu’en pensez-vous ?

-                     Nous ne sommes pas à acheter. Notre liberté n’a aucun prix.

-                     Attention, le plan B peut être très méchant.

-                     Vous ne vous sentez pas ridicule dans vos fringues de cadre moyen sortant du bureau. Oh, mais regardez les deux zigotos qui viennent d’entrer. Ils sont incroyables. Ils ont perdu l’usage de leurs corps.

-                     Ce sont des zentai, ils sont revêtus d’une combinaison intégrale qui recouvre leur anatomie comme une seconde peau. Ils popularisent des pratiques sexuelles venues du Japon. Je parie qu’ils vont se payer une tranche de plaisir au El Cancrejo[3], un cabaret très animé.

-                     Vous êtes incollable, vous alors ! Et une fois enlevé complètement votre uniforme, vous ressemblez à quoi ?

Un rictus marqua la gêne de l’homme qui savait tout.

-                     Léa je vous laisse deux jours. Je ne voudrais surtout pas qu’il vous arrive du mal. Faites passer le message à vos amis. On attend  votre réponse. C’est moi qui vous recontacterai. Je ne vous retiens pas. N’oubliez pas que je suis un ami qui vous veut du bien.

Son regard glissa entre les fesses de l’activiste qui d’un bond s’éjectait du bar, les cuisses à l’air libre.

 

Léa retrouva son clan à Can Más deu, alors qu’ils commençaient déjà à envisager des hypothèses plus tragiques.

-                     Ce type me parait extrêmement dangereux. A moins que Frédéric ne nous donne un sérieux coup de main afin de construire une fusée en quarante-huit heures, je ne vois aucun moyen de lui échapper.

Joël consultait le guide européen des utopies, son agenda personnel. Nils se frappait un poing sur l’autre tandis que Dagmar criait sa rage.

-                     Scheiss[4], encore un de ces tarés de mec qui aurait dû naître fille ! Je peux l’aider à changer d’angle d’attaque à ce porc !

-                     Pour une fois je consens d’approuver la teutonne. Je crois qu’il ne nous reste qu’une seule solution. Faire disparaitre définitivement ce nuisible

-                      Joël, dis quelque chose !

-                     Je crains que cette sorte d’individu se reproduise comme des clones. Si on le tue, ce dont je me sens totalement incapable et qui n’était pas du tout prévu dans notre escapade, je crois que je me rendrai à la police.

-                     Toi, légalement, tu es mort, alors ne fais pas chier.

-                     Tu ne vas pas baisser les bras, Joël, pas toi.

-                     J’ai repéré d’autres lieux d’utopies qui pourraient nous accueillir en Europe dont un situé à une heure de Berlin. Zegg, tu connais Dagmar ?

-                     Après un cimetière, une léproserie, tu nous proposes maintenant un ancien camp de la Stasi[5] voué en tant que laboratoire des politiques de l’amour. Je rêve ! Vous êtes tous barges !

-                     Faites l’amour pas la révolution, oui j’en ai entendu parler à Oslo.

-                     Il faut choisir, soit on tue l’affreux ou on se barre s’éclater les sens chez nos cousins germains ?

-                     It’s big dilemme ! On met aux voix….

 

Vos héros favoris prennent une semaine de vacances. Vous les retrouverez mercredi 27 juillet !



[1] (Le Mont des Juifs) 

[2] Film de Lucas Belvaux

[3] Cabaret le Morpion

[4] Merde

[5] Police secrète est-allemande

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Commentaires
ON N'EN PARLE JAMAIS!
  • C'est le grand retour du feuilleton! Sur des sujets brûlants dont normalement, ON N'EN PARLE JAMAIS. Mais justement, on ne va plus parler que de ÇA. Nos deux auteurs, Fred Romano et Franck dit Bart attendent vos commentaires
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