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ON N'EN PARLE JAMAIS!
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13 avril 2011

7. Intermède Mystique

(Résumé du chapitre précédent : Léa s’évade de l’hôpital avec la complicité de Nils et Dagmar qui se jouent les frères ennemis. Lebourrin en carafe délaisse la coco pour les amphétamines et s’en remet aux images d’un mage !)

 

 

murog

 

 

La brèche dans le mur d’enceinte était à sa place, au bout de l’impasse. Les deux filles se baissèrent et se faufilèrent jusqu’à la brèche, où elles s’introduisirent subrepticement. Nils, de sa haute stature, surveillait les environs. Son AK45 paraissait tout petit dans sa grosse paluche. Il n’avait pas besoin de se dissimuler, il savait que tout éventuel témoin, à le voir, préférerait fermer les rideaux. Il rejoignit la brèche tranquillement et, avec une agilité surprenante, s’y introduisit. Tous les trois coururent en silence dans les allées du cimetière du Père Lachaise, jusqu’à la chapelle d’une famille éteinte, que Niels avait aménagée en cas de coup dur.

 

A peine furent-ils à l’abri que les hostilités atomiques commencèrent. C’était l’une des nombreuses planques de Niels, aménagée à la nordique, une cabine de sauna coincée dans un tombeau. Dagmar étouffa dans l’instant, son visage se crispa, elle jeta sa perruque violemment à terre.

- Et il a fallu que ce sale ruck[1]nous installe à côté de la tombe de Victor Noir[2] ! Himmel[3] ! Je peux pas le croire ! Sale machiste obsédé du manche !

- Please, Lea, keep your bloody Yungfraü quiet or I’ll smash her face into the toilets in order to cure her ovulation hysteria[4]

- Bon, écoutez, les copains chéris, on va se faire un petit café avec des croissants pour pouvoir parler dans la joie et la bonne humeur. On est à Paris, quoi, merde…

- … Mais… t’as des croissants ?

 

A la faveur d’un thé au jasmin (le seul que Nils ait en magasin), les âmes se rassérènent et l’on put enfin parler des choses sérieuses. Léa dut cependant s’asseoir entre les deux afin d’assurer la continuation des accords de paix.

 

Ainsi Joël, l’âme de Webactu était en vie. Un véritable miracle. Il avait été éjecté par le souffle depuis la fenêtre des toilettes lors de l’explosion et un sympathisant allemand de garde dans le secteur avait pu le récupérer et avertir le réseau sur Internet. Aussitôt, l’impeccable organisation d’outre-Rhin s’était-elle mobilisée et de véritables escadres étaient sorties de Cologne pour sauver le patron de Webactu, une page qui avait sa version germanique et ses millions de visiteurs journaliers en Allemagne. Depuis Berlin, Dagmar avait donc appris en avant-première ce qu’il était arrivé à son grand amour. Elle n’avait pas hésité une seconde et enfourché son Husqvarna 750 pour la sauver à Paris.

 

En dépit des accrochages, Dagmar et Niels coïncidaient sur un point. La DGSE française était derrière l’attentat contre Webactu, l’explosif Gomma 2 avait été subtilisé par ses soins dans les carrières militaires du Sud de la France, entre autres dans le but de déstabiliser l’organisation terroriste basque, qui se réfugiait encore dans le Sud-ouest du pays (pourquoi faire simple quand on peut tout embrouiller ?). La DGSE et ses petits copains du Commissariat à l’Energie Atomique n’avaient guère apprécié les petits rigolos de Webactu et la mise en cause de Marie Curie. Les programmes de maintenance des centrales nucléaires françaises étaient tous caducs, on avait frôlé la catastrophe à Bordeaux en 1999 et maintenant le gouvernement pouvait se glorifier du plus gros déficit d’Etat de la Communauté Européenne. Ce n’était vraiment pas le moment de dire du mal du radium.

 

Dans le même temps, Outre-Rhin, les énergies se mettaient en marche afin de s’opposer au projet suicidaire de la pourtant paisible Angela Merkel : remettre en marche le programme germanique de centrales nucléaires. Dagmar avait même peur qu’au-delà de la soi-disant dépendance vis-à-vis du gaz russe passant par l’Ukraine (alibi majeur du gouvernement allemand), il y ait une sourde velléité de programme militaire et par-là, l’irrésistible appât de succulentes exportations vers certains pays en voie de développement. Outre-Rhin, personne n’avait totalement oublié que la bombe atomique était une invention allemande.

 

Lebourrin, allégrement remonté par la dernière visite de son indic préféré, faisait tournoyer son parapluie comme dans le film « Singing in the rain », en remontant la rue des Abbesses, totalement étranger aux sombres conclusions des comploteurs du cimetière du Père Lachaise. Il avait finalement avalé la couleuvre de ses supérieurs : de longues décennies d’habitude et le cheval rentre tout seul à l’écurie. Lebourrin se sentait heureux et tout excité. A l’aube du troisième millénaire, la police nationale française entrait enfin à l’ère des nouvelles technologies, Cocorico ! C’était par email que Vishnouvoitou lui avait donné rendez-vous et il se dirigeait tout de go vers l’entrevue historique.

 

L’immeuble face auquel il s’arrêta ne lui inspirait qu’une confiance relative. L’édifice était bien tel qu’il avait pu se l’imaginer, pourri, sale, grisâtre, avec un buste de femme au-dessus de l’entrée,  des balcons en fer forgé,  des rajouts de plastique en guise de fenêtres aux étages supérieurs et des cheminées non entretenues bavant leur suie sur les toits les jours de pluie. Cependant, l’interphone était un modèle sud-coréen dernier cri, avec vidéo inviolable. On n’apprend pas aux vieux limiers à faire la grimace, ils ne connaissent que trop la perversité des rénovations modernes sur d’anciens bordels à multiples issues. Ce Vishnouvoitou ne semblait pas tombé de la dernière pluie, son nom n’apparaissait pas sur l’interphone. Mais Lebourrin savait qu’il n’avait qu’à sonner au numéro trois. Ce qu’il fit, en adoptant son air des grands jours « tranquille, mon petit gars, on est là pour arriver à un accord ». De toute façon, il pourrait toujours lui envoyer les Fraudes ou mieux encore lui coller un redressement fiscal. Les supérieurs avaient donné leur accord et débloqué les fonds mais cette fois-ci, ça ne couterait pas un cent à l’Etat, Lebourrin se l’était promis. Personne ne répondit à son appel mais la porte de l’immeuble s’entrouvrit. Il lui fallait maintenant monter trois étages. Ces salauds de rénovateurs avaient poussé le souci de la dissimulation au point d’éviter d’installer un ascenseur. Pervers !

 

Vishnouvoitou reçut le commissaire essoufflé.  Lebourrin, qui avait prévu un large échantillon de possibles extracommunautaires extradables dans l’heure, Pakistanais, Afghan, Indien, Roumain, se sentit passablement déboussolé face à ce blanc de blanc, à l’exquise civilité et à la mise impeccable, qui ressemblait plus à un boursier qu’à un mage. « Va pour le redressement fiscal ! » pensa Lebourrin et il commença aussitôt à travailler Vishnouvoitou au corps astral. La France avec majuscule condescendait à une visite dans les univers parallèles, implacable dans sa recherche des suspects et autres terroristes. Ce dernier mot sembla vaguement éveiller un intérêt chez le mage, qui invita le commissaire à prendre place sur les sacs de billes design qui décoraient son salon. Lebourrin avait le  design en horreur mais était suffisamment passionné des années 70 pour accepter d’y glisser une fesse. Malheureusement, le pouf n’était pas étudié pour le porte-à-faux, aussi Lebourrin s’effondra-t-il. Vishnouvoitou le considéra, le sourcil relevé. 

-          Fascinant. Vous êtes la première personne que je vois tomber de ce siège…

-          Écoute-moi bien, mon petit ami. Je suis venu à la recherche de la dénommée Léa alors ce n’est pas la peine de me faire le coup de la psychanalyse de supermarché, merci bien, je suis vacciné…

 

 

Lebourrin était en veine, l’insulte raciste sur la pointe de la langue, mais l’entrée d’une ravissante jeune femme blonde en sari indien lui provoqua un décrochement de mâchoire. Elle portait un téléphone sans fil aussi gazouillant qu’un nid de canaris sur un plateau, qu’elle présenta au maître. Vishnouvoitou décrocha, répondit en anglais (une langue que Lebourrin bafouillait à grand-peine), se leva puis s’éloigna en continuant son énervante conversation. Engoncé dans le sac de billes de polystyrène,  Lebourrin attendit, furieux, obsédé par l’idée que le mage lui facturerait le service, certainement sur la base d’un devis horaire. Le temps passa. Lebourrin s’emmerdait franchement. La jeune femme blonde en sari revint avec un sourire de miel qui n’annonçait rien de bon. Elle expliqua rapidement que le Maître avait dû s’absenter soudainement. Lebourrin hennit de dépit. Il avait payé d’avance. La jeune femme avec délicatesse ramassa son chapeau qui avait roulé à terre entre les hoquets de surprise et d’indignation du commissaire puis lui expliqua que Madame Romano, la fameuse artiste du Tarot de Marseille, élève et collaboratrice attitrée du Maître, était disposée à le recevoir. Tout en la suivant dans le labyrinthe de chambres de bonnes qui composait cet appartement, LeBourrin, tourneboulé, se demanda avec angoisse si le « Tarot de Marseille » était un cabaret des Bouches-du-Rhône.

 

Madame Romano portait un ravissant costume gitan. Dès l’arrivée de Lebourrin, elle jeta devant lui des cartes primitives, moyenâgeuses et parla sans même les regarder :

-          Ne laissez pas les autres se servir de vous. Vous êtes au centre d’une situation qui vous dépasse et par conséquent en danger. En grave danger.

-          Dis-moi ma petite poulette, quand tu auras fini de te sucer l’orteil, tu me le diras bien gentiment.

-          …Ce sont les cartes, ce n’est pas moi…

-          Bien. Puisque tu le prends comme ça en matière de cartes, je suppose que tu as aussi tes papiers.

-          Papiers ?

-          Passeport, carte de résidente, RIB, identité, quoi…

-          … S’il vous plaît, Monsieur, je suis roumaine et résidente en Serbie…

-          On m’a dit que t’étais de Marseille ! Toutes les mafias se retrouvent…

-          Ecoutez, monsieur, je vais retirer les cartes, pour vous gratuitement.

Elle battit les cartes nerveusement, tout en observant le commissaire à la dérobée. Bien des cousines avaient été expulsées de France. Il fallait jouer fin. Elle se décida à lui dire ce qu’il voulait entendre. Ce n’était pas bien difficile à deviner. Mais les cartes indiquèrent autre chose. Madame Romano toussota.

-          Celle que vous cherchez se trouve au cimetière. C’est ce que disent mes cartes.

 

Lebourrin ne la crut pas, se leva excédé par le temps perdu et l’argent dépensé et lui prédit la venue prochaine des services d’immigration.



[1] Couillon, en allemand

[2] Gisant dont le pantalon trahit une érection ; la tombe est très visitée, elle a même des admiratrices

[3] Enfer, en allemand

[4] S’il te plaît, Léa, tiens ta Vierge Sanglante tranquille ou je serais obligé de lui écraser la tête dans les chiottes pour l’aider à guérir de son ovulation hystérique, en anglais

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Commentaires
ON N'EN PARLE JAMAIS!
  • C'est le grand retour du feuilleton! Sur des sujets brûlants dont normalement, ON N'EN PARLE JAMAIS. Mais justement, on ne va plus parler que de ÇA. Nos deux auteurs, Fred Romano et Franck dit Bart attendent vos commentaires
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